Traçabilité : comment garantir un diamant responsable ?

Dans notre première publication, nous avons introduit les enjeux de la traçabilité des produits des grandes Maisons de luxe à travers une infographie sur le cycle de vie d’un diamant. Nos experts abordent aujourd’hui la thématique des conditions d’extraction des matières premières et de leur traçabilité. Toujours appuyé sur l’exemple des diamants pour le secteur de l’horlogerie–joaillerie, nous dressons dans cet article un état des lieux de l’extraction et de la certification des métaux et pierres précieuses ainsi que leurs limites actuelles. Nous vous présentons également 4 solutions d’amélioration du cycle d’approvisionnement pour garantir les origines des matières premières, respectueuses de l’environnement et socialement responsables, en adéquation avec les attentes des clients.

Les enjeux de l’extraction des matières premières

Afin de répondre à une clientèle de plus en plus exigeante et soucieuse de son impact, les Maisons de luxe sont amenées à se questionner sur l’origine de leurs diamants, non seulement d’un point de vue qualitatif, mais également en matière de responsabilité sociale et environnementale. Ainsi, les Maisons s’impliquent de plus en plus dans des démarches pour se prémunir d’achats de matières premières non respectueuses des droits de l’Homme ou de l’environnement.

Lors de l’extraction d’un diamant, les opérations se divisent en 4 étapes :

• l’élimination des éléments stériles (sol et roches),
• l’extraction physique du diamant,
• le concassage
• le lavage.

Une fois extrait de la mine, le diamant brut doit faire l’objet de multiples traitements avant d’être exploitable par les Maisons. Ces traitements sont des actions à part entière dans la vie du diamant et leur traçabilité seront gages de la qualité de la pierre durant toute sa vie.  Bien que les 30 dernières années aient vu de très nettes et essentielles évolutions, les acteurs du domaine doivent continuer à  améliorer ces 4 étapes de la chaine d’approvisionnement. En favorisant des partenaires engagés et en sécurisant les processus, les Maisons et les clients auront ainsi la certitude que leurs diamants ont été extraits dans des conditions responsables.

Focus sur le processus de Kimberley
Dans le but de garantir l’authenticité de l’origine des diamants, un consensus d’approbation des pratiques d’extraction a été créé en 2000, nommé processus de Kimberley. Les diamants certifiés ne peuvent être échangés qu’entre pays signataires du consensus : chaque gouvernement participant se doit alors de mettre en place un conteneur sécurisé, accompagné d’un certificat d’authenticité pour chaque chargement de diamants. Cela permet ainsi de contrôler une majeure partie de la production de diamants et d’en réduire la quantité issue du marché noir. Néanmoins, le processus présente plusieurs limites :

• Il ne couvre pas l’ensemble des pays producteurs, notamment ceux où les atteintes aux droits humains sont les plus répandues.
• Il n’impose pas aux entreprises d’enquêter sur la provenance de diamants commercialisés : pour citer le terme dédié, pas de « due diligence ».
• Il ne prend pas en compte les capacités de production de chaque pays. Un pays frontalier ne respectant pas les accords peut donc fournir en diamants un pays participant au processus de Kimberley. Par conséquent, le processus n’assure pas à 100% de l’origine du diamant et limite les responsabilités des entreprises qui ne sont pas forcées d’enquêter sur leurs propres chaînes d’approvisionnement.

De nouvelles solutions pour une meilleure traçabilité

Certains précurseurs ont déjà développé leur programme d’authentification, de certification et de traçabilité des matières premières entre la mine et la boutique. Par exemple, la certification fournie par le Responsible Jewellery Council assure l’origine et la traçabilité de chaque diamant taillé et vendu. Grâce aux avancées des nouvelles technologies, il est désormais possible d’approfondir la garantie de la provenance des matières premières. Nous vous présentons ici quatre méthodes de traçabilité déjà éprouvées qui permettent d’aller encore plus loin.

1. L’encodage naturel
L’encodage naturel, déjà utilisé dans l’alimentaire, permet de garantir l’origine des produits et une traçabilité continue tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Il existe une solution d’encodage pour l’or ou le diamant qui permet d’identifier et de tracer pour chaque mine le métal ou la pierre qui en est extraite. Ce marquage étant à l’échelle de l’isotope, la transformation de la matière première n’altère en rien l’encodage. Cet encodage nécessite un travail en laboratoire en amont du marquage afin de fournir un marqueur, agissant comme une signature unique. Le marqueur est appliqué par un spray sur le métal ou le diamant. Il offre alors la possibilité de tracer les matières présentes dans une composition et de reconstituer leurs origines (comme dans l’or 18 carats composé d’or et d’argent ou de cuivre par exemple).

2. La sérialisation, pour l’or
La seconde méthode est la sérialisation par marquage laser qui peut se faire sur l’objet servant de support aux diamants (bracelets montres, anneaux, colliers…). Un identifiant unique est généré pour chaque lingot ou pépite, puis répercuté en ajoutant une déclinaison de cette sérialisation. Par exemple, le lingot est tracé par un identifiant construit sur la base du pays d’extraction, de la société exploitant la mine, des intermédiaires, etc… Le bijou issu de ce lingot dispose alors de la même suite de chiffres suffixé par la Maison. La lecture du numéro de série permet alors de remonter la chaine d’approvisionnement du bijou. Malheureusement, cette technique n’est pas possible pour les diamants naturels car elle endommagerait la pierre par sa gravure.

3. L’imagerie 3D
La troisième solution utilise des procédés d’intelligence artificielle et d’imagerie de très haute définition. Une analyse visuelle très précise permet de déterminer les caractéristiques qui rendent chaque diamant unique : les 4C. Ces 4 éléments sont la coupe, la couleur, la clarté et le carat, et représentent l’empreinte digitale du diamant. Grâce à cette empreinte, il est alors possible de retrouver l’origine du diamant et de s’assurer de sa provenance en appliquant le même procédé d’analyse visuel.

4. Le diamant de synthèse
En 1954, Tracy Hall, un physico-chimiste américain, crée le premier diamant synthétique à partir de graphite. Il existe aujourd’hui d’autres méthodes, très proches des conditions naturelles, pour créer des diamants de synthèse. Ce processus en laboratoire élimine le travail d’extraction et permet de résoudre les problématiques environnementales et humaines associées : moins de produits chimiques utilisés, pas de destruction de paysage, pas de produit explosif, etc. Ici, la traçabilité est bien plus facile à mettre en place puisqu’elle peut s’opérer directement depuis le laboratoire, dans un environnement contrôlé et avec beaucoup moins de parties prenantes. Une fois le diamant créé, il serait possible de l’encoder, le sérialiser ou d’utiliser l’imagerie 3D pour le tracer tout au long de sa vie.

Cependant, les enjeux économiques associés à l’émergence du diamant de synthèse bloquent son développement. Peut-être que le poids grandissant des responsabilités écologiques permettra l’émergence de cette technologie, de la même manière que le cuir végétal se développe de plus en plus dans le monde de la maroquinerie de luxe.

De la traçabilité à la transparence grâce au Digital

Quelles que soient les solutions retenues ou développées par les Maisons et leurs partenaires pour améliorer le processus d’extraction et de préparation des matières premières, la traçabilité des étapes de la vie du produit ne prend tout son sens que lorsqu’elle est justifiée et transparente. À l’heure où les clients souhaitent avoir la possibilité de faire un achat sur des critères responsables et éthiques, tout en étant certain d’acquérir des produits de qualité, certifiés et authentiques, le partage des informations d’extraction des diamants devient un argument différentiant majeur pour les Maisons.

Certaines Maisons proposent déjà de certifier la provenance de leurs diamants et matières premières. D’autres font aujourd’hui appel à des solutions de traçabilité pour couvrir les étapes de vente, de certification et de seconde vie. Les passeports numériques et autres certificats digitaux assurent également un premier niveau d’engagement. Les besoins de transparence grandissant, ces solutions vont devoir s’adapter pour prendre en compte les étapes en amont dans la chaine de création des produits pour s’intéresser aux acteurs de production, aux partenaires d’extractions et aux intermédiaires distribuant les diamants à travers le monde.

Conclusion

L’avènement de ces solutions, du « tout digital » et demain du « tout tracé » permettra de recouper les informations, de comparer les volumes de production, de suivre leurs déplacements et, par confrontation, d’être certain de leur véracité. Des outils comme la blockchain par exemple, tournés vers l’ouverture, le partage et la transparence, sont les supports idéaux pour assurer cette communication et cet archivage des informations, engageant ainsi les acteurs du domaine.

Chez Adone Conseil, nous travaillons avec les grandes Maisons de luxe pour construire une vision de ce que serait la traçabilité idéale et mettre en place les actions pour réaliser cette vision. Nous engageons toutes nos expertises autour de la gestion de produits (PIM, DAM), de la logistique (supply chain, manufacture, transport), de la data (data gouvernance & quality), de l’aspect Green et bien entendu de notre capacité d’analyse et de pilotage des activités.

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